Et
ce cri qui monte de la terre, ce cri c'est un tel cri d'amour pour la
lumière, c'est un si furieux et grondant cri d'amour pour cette chose
d'or qui s'appelle le jour, et que tout veut ravoir : le pin sur ses
écorces, les sentiers soulevés par les racines torses. Sur leurs
mousses, l'avoine en ses brins délicats et les moindres cailloux dans
leurs moindres micas....
C'est
tellement le cri de tout ce qui regrette sa couleur, son reflet, sa
flamme, son aigrette ou sa perle ; le cri suppliant par lequel le pré
mouillé demande un petit arc en ciel à chaque pointe verte, et la forêt
mendie au bout de chaque allée obscure, un incendie.
Ce
cri qui vers l'azur monte en me traversant, c'est tellement le cri de
tout ce qui se sent comme mis en disgrâce au fond d'un vague abîme et
puni de soleil sans savoir pour quel crime ;
Le
cri de froid, le cri de peur, le cri d'ennui de tout ce que désarme ou
désoeuvre la nuit ; de la rose tremblant dans le noir toute seule, du
foin qui veut sécher pour aller dans la meule ; des outils oubliés
dehors par les faucheurs et qui vont se rouiller dans l'herbe ; des
blancheurs qui sont lasses de ne pas être éblouissantes ;
C'est
tellement le cri des bêtes innocentes qui n'ont pas à cacher les choses
qu'elles font, et du ruisseau qui veut être vu jusqu'au fond ; et même –
car ton oeuvre, ô Nuit ! Te désavoue – de la flaque qui veut miroiter,
de la boue qui veut redevenir de la terre en séchant ;
C'est
tellement le cri magnifique du champ qui veut sentir pousser son orge
ou ses épeautres ; de l'arbre ayant des fleurs qui veut en avoir
d'autres ; du raisin vert qui veut avoir un côté brun ; du pont
tremblant qui veut sentir passer quelqu'un et remuer encor doucement sur
ses planches ; les ombres des oiseaux dans les ombres des branches ; de
tout ce qui voudrait chanter, quitter le deuil, revivre, resservir,
être une berge, un seuil, un banc tiède, une pierre heureuse d'être
chaude pour la main qui s'appuie ou la fourmi qui rôde ;
Enfin,
c'est tellement le cri vers la clarté de toute la beauté, de toute la
santé, et de tout ce qui veut, au soleil, dans la joie, faire son œuvre
en la voyant pour qu'on la voie ; et lorsque monte en moi ce vaste
appel du jour, j'agrandis tellement toute mon âme pour qu'étant plus
spacieuse elle soit plus sonore et que le large cri s'y élargisse encore
;
Avant
de le jeter, c'est si pieusement que je retiens ce cri dans mon âme, un
moment, puis, quand pour l'en chasser enfin, je la contracte, je suis
si convaincu que j'accomplis un acte, j'ai tellement la foi que mon
COCORICO fera crouler la nuit comme une Jéricho...
Et
sonnant d'avance sa victoire, mon chant jaillit si net, si fier, si
péremptoire que l'horizon saisi d'un rose tremblement, m'obéit....
Je
chante ! Vainement. La nuit, pour transiger, m'offre le crépuscule ; je
chante ! Et tout d'un coup... je recule, ébloui de me voir moi-même
tout vermeil, et d'avoir, moi, le coq, fait lever le soleil !»
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